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Radioactivité
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Mécanique quantique
Fission nucléaire
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Particules en tout genre
Enrico Fermi (1901-1954) donne l’exemple rarissime d’un théoricien de premier plan se muant brutalement en expérimentateur de premier plan, Fermi avait une passion pour la clarté, le quantifiable, et abhorrait les considérations philosophico-scientifiques. « Un ingénieur quantique » selon l’expression de Pauli.
Enrico Fermi dans ses jeunes années
Fermi commença à se faire un nom dès 1925 en établissant la statistique de Fermi-Dirac, qui donne le nombre de particules d’énergie E dans un équilibre thermodynamique de température T. Elle s’applique aux particules de spin demi-entier, comme les électrons ou les protons, et elle complète la statistique de Bose-Einstein, introduite par Bose en 1920 pour les photons et généralisée aux atomes par Einstein en 1924, qui s’applique aux particules de spin entier, comme les photons. Ces deux classes de particules sont aujourd’hui appelées fermions et bosons. La statistique de Fermi-Dirac explique pourquoi beaucoup moins d’électrons contribuent à la capacité calorifique d’un métal qu’à sa conductivité électrique Pour E<T, la distribution est très différente de celle de Maxwell, et de celle de Bose-Einstein.
N(E) = 1/[exp(E/T) + 1]
Corbino
Le directeur de l’Institut de physique de Rome, Orso Mario Corbino, était un scientifique éminent mais également un homme politique important (il fut sénateur et plusieurs fois ministre) et il occupa d’importantes responsabilités industrielles (il fut, entre autres, directeur de la Compagnie générale d’électricité). Il voulut faire de Rome un centre de recherches important en physique, et il obtint en 1926 la création de la première chaire de physique théorique en Italie, attribuée au jeune Enrico Fermi. La seconde fut attribuée à son ami d’enfance Enrico Persico (1900-1969).
Fermi voulait introduire en Italie la physique quantique et la relativité. Pour pallier l’absence de manuel moderne de physique en Italie, il écrivit pendant l’été de 1927 un court traité Introduzione alla fisica atomica, malheureusement démodé dès sa sortie car, basé sur la théorie de Bohr-Sommerfeld, il faisait à peine mention des travaux de Schrödinger et de Heisenberg. Avec Corbino, Rasetti, Persico, il écrivit aussi plusieurs articles largement diffusés présentant les théories modernes de la physique.
Emilio Segrè, Enrico Persico et Enrico Fermi sur une plage près de Rome
À Rome, en 1932-1933, existait une importante activité théorique autour de Fermi, et de jeunes théoriciens étrangers comme Hans Bethe (1906-2005), George Placzek (1905-1955), Edward Teller (1908-2003), y firent alors de longs séjours. Gian-Carlo Wick (1909-1992), après un séjour à Göttingen et à Leipzig, devint en 1932 l’assistant de Fermi. Après un poste à Palerme en 1937, puis à Padoue, il revint en 1940 à Rome, puis partit en 1946 aux États-Unis à Berkeley (où il établit le théorème de Wick), Princeton, Brookhaven et Columbia en particulier. Un autre jeune théoricien prometteur, Ettore Majorana (1906-1938), après des premiers travaux en spectroscopie, publia en 1932 un article (passé presque inaperçu car écrit en italien) sur la théorie relativiste des particules de spin quelconque. Il interpréta immédiatement en janvier 1932 les résultats des Joliot-Curie sur le « rayonnement pénétrant de Bothe et Becker » comme la signature d’un « proton neutre », le neutron, mais ne publia rien malgré le conseil de Fermi. Celui-ci le poussa à partir en 1933 rencontrer Heisenberg à Leipzig et Bohr à Copenhague, et il y mit au point une théorie des forces nucléaires allant au delà de celle d’Heisenberg. Mais à son retour à Rome à l’automne, il s’isola du monde, n’apparaissant que rarement à l’Institut. Il mit au point l’équation de Majorana (décrivant les spineurs de Majorana), que Fermi lui imposa quasiment en 1937 de publier dans Il Nuovo Cimento (sans beaucoup d’impact sur le moment, Pontecorvo lui donna après la guerre toute son importance). En 1937, il fut nommé (sur titres) professeur à Naples. Il disparut en 1938 lors d’une traversée de Palerme (son ami Segrè était professeur à Palerme, mais à ce moment là il se trouvait à Berkeley) à Naples, provoquant nombre de théories sur conditions et les motifs de cette disparition : suicide (ce que pensaient Amaldi et Segrè), assassinat, retraite dans un monastère (théorie de Sciascia)…
En décembre 1933, Fermi exposa sa théorie de la transmutation bêta à ses amis au cours de vacances de ski dans les Alpes. Selon lui, au cours d’une transmutation bêta un neutron se transformait en proton en émettant un électron et un neutrino (aujourd’hui plutôt appelé antineutrino). À cette époque, il n’était pas clair pour tous les physiciens que le neutron était une particule aussi fondamentale que le proton, et non un état très étroitement lié d’un proton et d’un électron (selon l’idée initiale de Rutherford) d’où l’électron serait éjecté lors de la transmutation. En d’autres termes, l’électron préexistait-il à la transmutation, ou était-il créé à ce moment là ? Fermi considéra le neutron comme fondamental et l’électron comme créé – ainsi que le neutrino – à l’instant de la transmutation. Pour décrire ce phénomène, il établit une analogie avec l’émission et l’absorption des photons. Ceux-ci étaient créés ou détruits, ils ne préexistaient pas à leur création et ils disparaissaient à leur destruction. Il imagina que, de la même façon, « électrons ou neutrinos peuvent être créés et peuvent disparaître. […] l’hamiltonien […] doit être choisi de telle sorte qu’à chaque transition d’un neutron à un proton soit associée la création d’un électron et d’un neutrino. » Et inversement. L’idée était dans l’air, avancée par Iwanenko en 1932, par Perrin en 1933, mais elle n’était pas formalisée. Fermi, lui, calqua directement l’interaction entre un courant de matière jµ (ici le courant neutron-proton) et un potentiel électromagnétique Aµ en remplaçant le photon (Aµ) par une paire électron-neutrino. Dimensionnellement, la constante de couplage avait la dimension du carré d’une longueur (ou de l’inverse du carré d’une masse) alors qu’en électrodynamique la constante de couplage était sans dimension (1/137). La masse correspondante, cent fois celle du proton, était énorme pour l’époque, mais c’est elle était responsable de la faiblesse et de la très courte portée de cette nouvelle interaction, l’interaction faible. Fermi pouvait alors calculer la relation entre la durée de vie par transmutation bêta et l’énergie de la transmutation, ainsi que la distribution d’énergie de l’électron. La théorie de Fermi, par sa relation entre quanta et champs, inspira celle de Yukawa pour l’interaction forte.
Soumis à Nature, son article « Tentative theory of beta rays » fut rejeté, et Fermi le publia en italien « Tentative di una teoria dell'emissione dei raggi beta » dans la Rivista Scientifica, peu lue en dehors de l’Italie, mais le gouvernement italien imposait alors que tous les articles scientifiques soient publiés en italien. Depuis le début de sa carrière, Fermi publiait donc toujours en italien, mais il publiait parallèlement, en anglais dans Nature ou en allemand dans le Zeitschrift, les articles qu’il pensait importants pour leur assurer une diffusion bien plus grande. Son article sur la transmutation bêta parut ainsi dans le Zeitschrift. Il suivait la même politique de publication pour ses élèves et ses collaborateurs : leur nombre de publications était important pour les carrières et les promotions en Italie, mais l’attention des physiciens étrangers n’était attirée que sur les articles majeurs apportant du prestige. Après l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933, les articles annonçant des résultats importants furent adressés à Nature.
Fermi n’est plus jamais revenu sur la question par la suite, passant brutalement, avec un grand succès, à la physique expérimentale (ce qui lui valut les chaudes félicitations de Rutherford). Dès mars 1934, Giancarlo Wick, l’assistant de Fermi à Rome, étendit cette théorie de la transmutation bêta moins à la transmutation bêta plus que venaient de découvrit les Joliot-Curie. Werner Heisenberg appliqua la théorie de Fermi à « sa » force nucléaire, notant qu’elle induisait une interaction échangeant le proton et le neutron (un diagramme de Feynman à une boucle en langage plus moderne), mais la trouva trop faible de deux ordres de grandeur. Il fallut quelque temps avant qu’il soit admis que l’interaction nucléaire « faible » de Fermi était totalement indépendante de l’interaction nucléaire « forte » qui assemble protons et neutrons pour former des noyaux.
Théoricien de tout premier plan, Fermi fut également un extraordinaire expérimentateur. Il inventa pratiquement l’activation neutronique (par ex: Co 59 → Co 60 → Ni 60)
Il réalisa la première réaction en chaîne (Chicago Pile 1) le 2 décembre 1942.
Il se fit également une grande réputation de calculateur : la « méthode à la Fermi » est restée célèbre, avec l’exemple toujours cité de son estimation du nombre d’accordeurs de piano à Chicago (5 millions d’habitants → 50 000 pianos, chacun accordé tous les 2 ans [500 j] → 100 accordements par jour → ~ 50 accordeurs). Il fut un pionnier du calcul numérique, tant pour la structure électronique dans les années 1930, avec des calculatrices mécaniques, que pour la diffusion des neutrons dans les années 1940, avec des calculatrices électromécaniques, puis électroniques. En attendant la mise au point de l’Eniac, il inventa un calculateur analogique surnommé le « Fermiac » :
Le « Fermiac »
Orso Mario Corbino dirigeait l’Institut de physique, et il était titulaire de la chaire de physique expérimentale (Fermi était titulaire de la chaire de physique théorique). Il s’était fait un nom en spectroscopie, mais il pensait que, s’il restait à accomplir dans ce domaine un important travail de mesures de précision, les découvertes essentielles avaient déjà été faites. Depuis 1931, son groupe avait commencé à dériver de la physique atomique et moléculaire vers la physique nucléaire, car il pensait que beaucoup de découvertes importantes restaient à faire dans ce domaine. La découverte du neutron en 1932, du positron, puis de la radioactivité artificielle lui donna raison. Il rassembla peu à peu un groupe de jeunes et brillants chercheurs.
Les ragazzi de la via Panisperna (adresse de l’institut de physique à Rome) étaient théoriciens comme Ettore Majorana (1906-1938) et Bruno Pontecorvo (1913-1993), expérimentateurs comme Edoardo Amaldi (1908-1989), Franco Rasetti (1901-2001) et Emilio Segrè (1905-1989), et chimiste comme Oscar D'Agostino (1901-1975). Jusqu’en 1932, les progrès en physique nucléaire du groupe de Rome furent lents, faute de matériel, mais en 1933, grâce aux efforts de Rasetti qui revint du Kaiser Wilhelm Institut für Chemie de Berlin où il avait travaillé avec Lise Meitner, des sources radioactives furent acquises, ainsi que plusieurs compteurs Geiger, une chambre de Wilson, des chambres d’ionisation, et d’autres équipements. Début 1934, le laboratoire de l’Institut de physique était enfin correctement équipé (pour l’époque).
Le premier colloque international de physique nucléaire se déroula à Rome en octobre 1931, avec beaucoup de grands noms du domaine (Bohr, Blackett, Millikan, les Curie, Goudsmit, Sommerfeld, Mott, etc.). Gamow aura dû présenter sa théorie quantique du noyau, mais il ne fut pas autorisé à quitter l’URSS. Ce fut l’occasion pour nombre de jeunes Italiens de se familiariser avec les dernières idées du sujet. À cette occasion, Bohr exprima publiquement ses doutes sur la conservation de l’énergie dans les transmutations bêta, tandis que Pauli et Fermi défendaient l’hypothèse que l’énergie manquante était emportée par une particule neutre de masse négligeable, que Pauli avait appelée neutron et que Fermi avait rebaptisée neutrino (le « petit neutre » en italien) pour le différencier du neutron imaginé par Rutherford (et découvert l’année suivante par Chadwick). Remarque : le neutron de Pauli jouait à la fois le rôle du neutrino de Fermi et du neutron de Rutherford, car son spin ½ permettait de résoudre le désaccord observé avec le spin de l’azote 14 et du lithium 6 (Pauli dans sa lettre « Chers dames et messieurs radioactifs…).
Congrès de physique nucléaire à Rome en 1931 : Mme Curie est au premier rang, avec Millikan à sa droite, et Compton juste derrière elle. Bohr est un peu plus loin sur la droite.
Quand, après la découverte de la radioactivité artificielle (quoique Fermi ait certainement réfléchi au sujet avant d’avoir connaissance de la découverte de Joliot en janvier 1934 !), Fermi décida de s’intéresser à la création de nouveaux éléments par bombardement et qu’il eut l’idée d’utiliser des neutrons dans ce but, Corbino jugea que le mieux qu’il pouvait faire était de lui apporter tout son appui, en particulier en incitant ses propres assistants, comme Segrè, Amaldi ou Rasetti à travailler avec lui. L’idée de Fermi était la même que celle de Joliot et de Lawrence : bombarder des noyaux connus avec des particules énergétiques en espérant obtenir, par un hasard heureux, des noyaux nouveaux. Les réactions nucléaires utilisaient le plus souvent des particules alpha ou des protons. Mais les sources en étaient rares, les flux demeuraient faibles, et l’énergie était fixée par le choix du noyau émetteur car les accélérateurs étaient encore dans l’enfance (grâce à Lawrence, la situation allait très vite changer). Faute d’énergie suffisante, ces projectiles chargés limitaient aux noyaux légers les réactions accessibles, car la répulsion coulombienne du noyau augmente avec le nombre de protons (le numéro atomique Z).
Comme ils étaient à Rome, et qu’ils avaient de l’humour, les jeunes gens de la via Panisperna s’étaient attribués des sobriquets inspirés de la Curie romaine : Fermi était le « Pape », en raison de son infaillibilité, Rasetti le cérébral était le « Cardinal-Vicaire », Majorana le « Grand Inquisiteur » en raison de son attitude toujours très critique, Segrè le « Préfet de la Bibliothèque » ou le « Basilic » crachant le feu, et Corbino était bien sûr le « Père Éternel ».
Franco Rasetti (Castiglione del Lago, 10 août 1901 - Waremme 5 Décembre 2001) était un physicien, paléontologue et botaniste italien. Petit-fils du médecin et naturaliste Gino Galeotti, il montre très tôt un vif intérêt dans les sciences naturelles, se consacrant à la collecte et l'illustration de plantes et de petits animaux. Il a également développé un talent dans l'art figuratif et ce travail sera repris à un âge plus avancé. Rasetti fut élève de la Scuola Normale Superiore de Pise (Segrè dit qu’il était à l’université, pas à la SNS), où il a rencontré Enrico Fermi, et il en est diplômé en 1922. En 1930, il fut nommé professeur de spectroscopie à l'Université de Rome "La Sapienza", dans le célèbre Institut de la Via Panisperna réalisé par Orso Mario Corbino, titulaire de la chaire jusqu'en 1938. Au cours d'une période passée à CalTech en Californie en 1928-29, il effectua des expériences sur les spectres Raman des molécules d'azote, cruciaux pour la compréhension de certaines propriétés des noyaux : le spin 1 de l’azote était incompréhensible dans le modèle alors en honneur où l’azote était formé de 14 protons et 7 électrons, tous de spin ½. Par la suite, il est parmi les premiers à étudier expérimentalement les propriétés des neutrons, préparant des sources de neutrons en évaporant du polonium sur du béryllium. Il joue un rôle crucial dans la recherche de Fermi sur la radioactivité induite par bombardement neutronique. En 1939, la situation italienne incite Rasetti à quitter l'Italie, comme de nombreux membres du groupe qui a rendu célèbre dans les années trente la physique italienne (Fermi, Segrè, Pontecorvo). Il a enseigné de 1939 à 1947 au Canada, à l’Université Laval de Québec, puis il occupa jusqu'en 1967 une chaire de physique à la John Hopkins University de Baltimore. Profondément opposé à la participation des scientifiques à la recherche de guerre (“La guerre est vraiment stupide"), Rasetti refuse de faire partie du programme Manhattan. Après 1960, il déplaça son engagement en faveur de ce qui avait toujours été son intérêt majeur à l'extérieur physique, les études naturalistes, et il est rapidement devenu l'un des grands spécialistes mondiaux de la paléontologie du Cambrien (et des trilobites en particulier). Malgré sa contribution significative dans deux domaines de la science, son choix de non collaboration à la guerre a assuré qu’il est resté enseveli dans l'oubli. Wikipedia italien
Les ragazzi de la via Panisperna : Oscar D'Agostino, Emilio Segrè, Edoardo Amaldi, Franco Rasetti et Enrico Fermi
Fermi eut, indépendamment, la même idée que Szilárd : utiliser des neutrons. D’une part, les neutrons provoqueraient des réactions nucléaires différentes de celles induites par les protons ou les particules alpha, et permettraient ainsi d’obtenir d’autres noyaux. Et d’autre part, les neutrons seraient certainement des projectiles plus efficaces car, étant neutres, ils ne seraient pas repoussés par les noyaux. Cela ouvrait la possibilité d’utiliser des cibles quelconques, en particulier des noyaux lourds.
Utiliser des neutrons présente aussi des inconvénients ! Il est impossible de choisir l’énergie du neutron, de l’accélérer en particulier. Il est également impossible de diriger le neutron vers la cible par des champs électrique et magnétique, et les neutrons produits partant dans toutes les directions, seule une petite fraction touche la cible. Ce flux faible est encore réduit par le mode de production de neutrons : bombarder le béryllium par des α ⇒ le nombre de neutrons est ≪ nombre d’alphas.
L’idée de Fermi était que, une fois entré en collision avec un noyau, un neutron pourrait arracher quelques neutrons ou protons à sa cible, et former ainsi un nouveau noyau. Le neutron pouvait au contraire être capturé par le noyau et, dans ce cas, il formerait un isotope plus lourd du noyau cible. Cet isotope pouvait être stable (ou avoir une durée de vie assez longue), et l’opération pouvait alors être répétée. Il pouvait être instable et donner le noyau suivant du tableau périodique par une transmutation bêta moins, ou le noyau précédent par une transmutation bêta plus. Arrachement de neutrons ou de protons, additions de neutrons et transmutations n’étant pas exclusives, il était envisageable de parcourir ainsi une bonne partie du plan (N,Z) en dehors de la région étroite alors connue et limitée aux éléments stables (et aux noyaux lourds instables qui avaient permis de découvrir la radioactivité). Si ce projet d’activation neutronique (pour utiliser le vocabulaire actuel) était clair, les résultats furent complètement inattendus, et ils ouvrirent la voie vers l’énergie nucléaire.
Diagramme de Segrè (N,Z) ©Fermi 1945
Quel est le destin d’un neutron ?
Il n’était pas très difficile d’obtenir des neutrons, puisqu’il suffit d'une source radioactive alpha placée à proximité d’une cible de béryllium. L’énergie de ces neutrons n’était pas contrôlable, variant de 1 à 10 MeV. Mais l’inconvénient majeur des neutrons venait cependant de leur flux beaucoup plus faible que le flux primaire des alphas. En effet, les alphas ne frappent que rarement les noyaux de béryllium de la cible (les noyaux sont très petits par rapport à la distance qui sépare deux noyaux, d’où une très faible probabilité de collision).
Fermi et Rasetti
Comme ses prédécesseurs, Fermi commença en prenant comme source alpha du polonium car il ne produit pas de rayonnements parasites bêta (celui que les Joliot-Curie avaient cherché en vain) et gamma. Ses essais furent infructueux car le flux de neutrons secondaires était vraiment trop faible avec la source peu intense dont il disposait à Rome. Il réalisa soudain que, puisqu’il mesurait la radioactivité induite après la fin de l’irradiation par la source de neutrons, les éventuels bêtas et gammas émis par cette source n’avaient aucune importance, et qu’il pouvait employer à la place du polonium une source de radon bien plus intense (30 à 50 mCi) que le Pr. Trabacchi lui prêta généreusement. Irradié par ce radon, le béryllium émettait plusieurs millions de neutrons par seconde (dont bien peu entraînaient des transmutations). Par contre, il devait placer le compteur Geiger qui détectait la radioactivité induite à plusieurs dizaines de mètres de cette source. Il l’installa à l’autre extrémité du bâtiment de l’Institut, ce qui imposait une course effrénée quand le corps radioactif nouvellement formé n’avait qu’une très brève durée de vie. Mais les membres de l’équipe étaient tous jeunes et sportifs…
L’idée de Fermi était de bombarder avec des neutrons successivement tous les éléments (stables) du tableau périodique et de rechercher si une radioactivité induite était produite. En ce cas, il fallait se hâter de mesurer la demi-vie correspondante, puis si possible tenter d’isoler chimiquement et d’identifier l’élément responsable de cette radioactivité. La méthode des traceurs était généralement utilisée car il n’était produit qu’un très petit nombre d’atomes du nouvel élément. Estimation grossière ?
Quand il n’y a qu’un seul élément cible et un seul nouvel élément produit (avec une durée de vie mesurable, ni trop brève ni trop longue), la méthode n’est pas trop compliquée. Elle le devient quand l’élément cible est un mélange naturel de plusieurs isotopes qui n’ont pas pu être séparés, quand plusieurs éléments ont été produits simultanément par le bombardement neutronique, et plus encore quand ceux-ci subissent plusieurs transmutations successives en cascade. Toutes ces complications se présentent fréquemment pour les éléments plus lourds, mais heureusement l’équipe de Fermi s’aguerrit en commençant par les éléments légers où une telle situation est rare, avant d’aborder les situations plus complexes.
Comme source de neutrons, Fermi utilisa d’abord le bombardement du béryllium par des alphas provenant du polonium, selon la thechnique habituelle. Mais il ne disposait que d’un échantillon de polonium de quelques millicuries, insuffisant pour avoir assez de neutrons. Mais il réalisa soudain qu’il pouvait utiliser une source α bien plus intense, même si elle émettait des bêtas parasites, puisqu’il mesurait la radioactivité induite après l’irradiation, et qu’il pouvait donc le faire donc loin de la source. Il emprunta alors (au département de biologie ?) une source de radon de 50 mCi, et plaça son compteur Geiger à l’autre bout du bâtiment de l’Institut. En février 1934, il était prêt.
Fermi commença, seul car Rasetti était parti en vacances au Maroc, par bombarder à coup de neutrons de l’eau, donc de l’hydrogène (Z=1) et de l’oxygène (Z=8). Puis il balaya systématiquement le tableau périodique : lithium (Z=3), béryllium (Z=4), bore (Z=5), carbone (Z=6), azote (Z=7). Petite déception : il ne détecta aucune radioactivité induite. Nous savons aujourd’hui que les isotopes de la plupart des noyaux légers sont effectivement stables : c’est le cas du deutérium, de l’hélium 3 et 4, du lithium 6 et 7, du béryllium 9, du bore 10 et 11, du carbone 12 et 13, de l’azote 14 et 15, de l’oxygène 16, 17 et 18. Les rares isotopes légers radioactifs ont des demi-vies trop longues — ou trop courtes — pour être décelables avec les moyens dont disposait Fermi : 12 ans pour le tritium, 0.8 s pour le lithium 8, 1.5 millions années pour le béryllium 10, 5 730 ans pour le carbone 14.
Fermi ne se découragea pas car il savait, d’après l’expérience de Joliot, qu’il existait au moins un isotope radioactif de l’azote (13N) et un du phosphore (30P). Il obtint un premier résultat positif avec le fluor (Z=9) qui, dans la nature, est à 100% du fluor 19. Il observa des désintégrations bêta en le bombardant avec des neutrons, obtenant du fluor 20, qui est instable (avec une demi-vie radioactive de 11 s) et se transmute en néon 20 (Z=10), stable, en transformant en proton son neutron excédentaire, et en éjectant un électron (transmutation ß-) :
19F + n → 20F → 20Ne + e- (+antineutrino)
Avec de l’aluminium (Z=13) comme cible, il obtint comme Joliot un corps radioactif, mais avec une demi-vie de 2 mn au lieu de 3 mn. Rien de surprenant à cela, puisqu’il avait formé un isotope de l’aluminium et non du phosphore. Cet aluminium 28 se transformait par transmutation ß- en silicium (Z=14) stable :
27Al + n → 28Al → 28Si + e- (+antineutrino)
Le 25 mars 1934, Fermi annonça sa découverte dans un article publié dans La Ricerca Scientifica, « Radioattività indotta da bombardamento di neutroni I ». Le I dans le titre de l’article indique que Fermi s’attendait à ce qu’il soit le premier d’une longue série. Il poursuivit son balayage du tableau périodique, en collaborant désormais avec Amaldi et Segrè : Amaldi s’occupa de la partie « électronique », Segrè des sources radioactives et des substances à irradier, sans que ce soit une division rigide du travail. Fermi envoya un télégramme à Rasetti pour lui demander de revenir le plus vite possible. Les qualités de chimiste de D’Agostino furent essentielles à l’équipe pour identifier les nouveaux éléments. D’Agostino avait travaillé avec Trabacchi, il était alors boursier à l’Institut du Radium de Paris, se formant à la radiochimie, et il revint à Rome lors des vacances de Pâques. Et il resta à Rome après avoir vu ce qu’il s’y faisait. L’activité du laboratoire de Rome devint frénétique. Presque chaque semaine, une note adressée à la Ricerca Scientifica faisait le point des progrès, et une copie en était adressée à une quarantaine d’éminents physiciens nucléaires. Cette activité incita Rutherford à adresser le 23 avril une lettre d’éloges à Fermi le « félicitant pour son évasion réussie de la sphère de la physique théorique ! ».
L’équipe bombarda, d’avril à juin 1934, du fer, du silicium, du phosphore, du chrome, de l’argent, du zinc, du sélénium, etc., tous les éléments sur lesquels Segrè put mettre la main (il disposait d’un petit crédit de 20 000 lires du Conseil de la Recherche, à peu près 20 000 euros actuels). Sur une soixantaine d’éléments chimiques irradiés, une quarantaine donnèrent au moins un nouveau produit radioactif.
Certains résultats particulièrement intéressants du bombardement par des neutrons relevés par l’équipe de Fermi (extrait d’un rapport de janvier 1947 à l’occasion de la remise à Fermi de la médaille Franklin).
L’équipe nota certaines régularités :
Le tableau précédent montre par exemple que l’irradiation du lithium (Z=3) donne de l’hydrogène (Z=1) et de l’hélium (Z=2), et celle de l’aluminium (Z=13) donne du sodium (Z=11) ou du magnésium (Z=12), tandis que l’irradiation du cuivre (Z=29) donne du nickel (Z=28), du cuivre ou du zinc (Z=30), et celle de l’or (Z=79) du mercure (Z=80). Mais les exceptions n’étaient pas rares.
Diagramme de Segrè
Fermi et les ragazzi finirent par arriver début mai 1934 aux derniers éléments connus du tableau périodique, le thorium (Z=90) et l’uranium (Z=92). L’expérience accumulée par le groupe le conduisit naturellement à penser qu’en bombardant l’uranium avec des neutrons, il produirait des transuraniens, c’est à dire les éléments suivant l’uranium : Z=93, 94, 95, 96… Les propriétés chimiques de l’uranium étaient supposées voisines de celles du tungstène, placé (à cette époque) juste au-dessus de lui dans le tableau périodique, et celles des hypothétiques éléments transuraniens étaient supposées analogues à celles des éléments suivant le tungstène, c’est à dire le rhénium, l’osmium, l’iridium et le platine. Selon une tradition remontant à Mendeleïev, on leur donnait donc les noms provisoires d’eka-rhénium, eka-osmium, etc.
Le tableau périodique tel qu’il était conçu à l’époque des expériences de Fermi.
En fait les éléments suivant le radium (actinium etc.) ont à peu près les mêmes propriétés chimiques et elles n’ont rien à voir avec celles du rhénium (et des éléments suivants). Les propriétés chimiques des éléments dépendent en effet des électrons situés dans la couche la plus externe, et il se trouve que l’avant-dernière couche des éléments qui suivent l’actinium (Z=89) n’est pas remplie. Elle se remplit progressivement de l’actinium au lawrencium (Z=103), sans que la couche externe varie, ce qui signifie que tous ces éléments ont des propriétés chimiques très proches. Mais cela ne fut connu qu’à la suite des travaux de Glenn Seaborg (1912-1999) dans les années 1940, et tous ces éléments, les actinides, sont maintenant regroupés dans la même case du tableau périodique, celle de l’actinium. Les éléments de Z=57 (lanthane) à Z=71 (lutétium), les lanthanides ou « terres rares », occupaient déjà, pour la même raison, la même case du tableau périodique, celle du lanthane.
Il n’était pas si simple d’irradier l’uranium pour rechercher ensuite le faible signal d’une transmutation bêta, car un échantillon d’uranium possède ses propres émetteurs alpha et bêta venant des produits situés après lui dans la chaîne bien connue de ses transmutations. D’Agostino devait donc commencer par purifier l’uranium de tous ces contaminants. Il fallait ensuite rapidement effectuer l’irradiation puis l’analyse physico-chimique du résultat, avant que les transmutations bêta de la chaîne masquent l’effet recherché. Après l’irradiation, D’Agostino purifia la solution d’uranium pour ne conserver que le nouveau produit formé.
Quatre émissions bêta furent observées, de demi-vies différentes
et peut-être une encore plus longue. Fermi utilisait bien évidemment de l’uranium naturel qui est à 99.3% de l’uranium 238. L’uranium 235 est un isotope rare (0.7%) qui ne fut découvert qu’en 1935. Fermi pensait avoir provoqué la formation d’un isotope plus lourd de l’uranium, sans doute l’uranium 239, et que par transmutations bêta successives, celui-ci était devenu l’isotope 239 de l’élément suivant Z=93, l’eka-rhénium, puis l’isotope 239 de l’élément Z=94, l’eka-osmium. Il aurait donc réussi à créer les premiers transuraniens (mais sans savoir qui était qui) :
U238 → U239 → éka-Re239 → éka-Os239 → éka-Ir239 → éka-Pt239
Il avait d’ailleurs raison, mais en partie seulement. En notations plus modernes, on a bien, dans un réacteur nucléaire où le flux de neutrons est très intense en continu, la succession de réactions :
Il est donc probable que Fermi et son équipe aient réellement produit des transuraniens. Mais les durées de vie indiquées ici ne sont pas celles relevées par l’équipe de Fermi. C’est que la situation se révéla vite bien plus compliquée qu’avec les éléments légers. Le groupe de Rome brisait en réalité bien plus souvent des noyaux d’uranium qu’il n’engendrait de transuraniens. Vérifier les sections efficaces comparées de l’uranium 235 et 238 pour la fission et pour la capture.
Pourtant Fermi était un homme extrêmement prudent, se refusant toujours à affirmer quelque chose dont il n’était pas absolument certain (politiquement, il était plutôt conservateur, dans la mesure limitée où il s’intéressait à autre chose qu’à la physique). Il voulut s’assurer que l’irradiation neutronique ne fabriquait pas aussi des éléments un peu plus légers que l’uranium, comme cela était le cas pour les éléments plus légers. Il demanda à D’Agostino de contrôler cette éventualité. Celui-ci s’attaqua aux éléments de demi-vie 13 mn et 90 mn, les autres disparaissant trop rapidement, et il démontra successivement qu’il ne pouvait pas s’agir
Leur comportement excluait également qu’il puisse s’agir de radon (Z=86) qui est gazeux. Les éléments Z=87 (le francium) et Z=85 (l’astate) étaient alors inconnus, mais le produit mystérieux avait un comportement chimique très différent de celui qui était attendu pour ceux-ci (analogue aux alcalins tels le sodium ou le potassium pour le 87 et aux halogènes comme le chlore ou l’iode pour le 85).
Dans les irradiations antérieures, les éléments formés étaient toujours située à une ou deux positions de l’élément cible dans le tableau périodique, aussi Fermi se sentit assez sûr de lui pour adresser le 10 mai 1934 un article à la revue Nature («Possible Production of Elements of Atomic Number Higher than 92», Nature 133, 898) annonçant la probable découverte de transuraniens, avec les identifications :
La nouvelle eut un énorme retentissement. Corbino, le protecteur de Fermi, devait inaugurer la session de l’Accademia dei Lincei, en présence du roi d’Italie, et il consacra son discours à « Résultats et perspectives de la physique moderne ». Il se focalisa bien sûr aux travaux sur les neutrons et tout particulièrement sur la découverte des transuraniens, présentée comme certaine au grand dam de Fermi qui en fut très affecté. Corbino avait aussi rendu prématurément publics les noms ausonium (symbole Ao) et hesperium (symbole Es) choisis pour les nouveaux éléments Z=93 et Z=94. Ces noms venaient des noms grecs anciens de l’Italie, mais le gouvernement fasciste voulut imposer le nom littorium (du mot italien littorio qui désigne le faisceau du licteur, symbole du régime). Corbino fit diplomatiquement remarquer qu’il serait peu judicieux d’associer le fascisme à un élément dont la durée de vie se mesurait en minutes, et l’idée fut vite abandonnée.
Au milieu du concert de louanges s’éleva une voix discordante. La chimiste allemande Ida Noddack fit remarquer dès septembre («Über das Element 93» Zeitschrift für Angewandte Chemie 47-653) que l’équipe de Fermi n’avait pas démontré que leur nouvel élément n’était pas un élément déjà connu situé bien avant le plomb dans le tableau périodique. Elle soulignait que depuis la découverte de Joliot, on savait qu’il existait des éléments radioactifs légers, et qu’il n’était donc pas exclu que les éléments analysés par D’Agostino fussent des isotopes d’éléments légers, comme Fermi en avait lui-même fabriqué ! Ida Noddack n’était pas n’importe qui : en 1925, elle avait découvert avec son mari Walter le rhénium. Certes, ils avaient annoncé en même temps la découverte de l’élément Z=43, qu’ils avaient baptisé masurium (du nom de la Mazurie, région natale de Walter Noddack) avant de voir cette seconde découverte fortement contestée par leur pairs, et de perdre quelque peu de leur crédit. Incidemment, l’histoire de la découverte de l’élément Z=43 est étonnante, car de nombreux chimistes en ont tour à tour annoncé la découverte : d’où les noms successifs de polinium, ilmenium, pelopium, davyum, lucium, nipponium, puis masurium, avant d’être aujourd’hui le technétium, nom donné en 1937 par Segrè à l’élément qu’il avait isolé dans un échantillon de molybdène (Z=42) irradié au cyclotron de Berkeley.
Ida Noddack (1896-1978)
Ida Noddack suggérait donc qu’il était « concevable que le noyau d’uranium soit brisé en plusieurs gros fragments, qui seraient évidemment des isotopes d’éléments connus, mais ne seraient pas des voisins » du noyau initial. Elle tenta de convaincre Fermi, ainsi que ses collègues berlinois Lise Meitner et Otto Hahn, d’explorer cette voie. Mais, bizarrement, elle ne le fit pas elle-même alors qu’elle était une excellente radiochimiste. Bien sûr, avec le recul, il est clair qu’elle avait tout à fait raison : après le choc d’un neutron sur un noyau d’uranium, la plupart des éléments radioactifs observés sont les produits de la fission de l’uranium, des éléments beaucoup plus légers comme le baryum (Z=56) ou ses voisins, et le krypton (Z=36) ou ses voisins.
Remarque : en dehors de l’italien, évidemment, Fermi parlait couramment l’allemand, et lisait sans difficulté le français et l’anglais (en particulier dans les livres et articles scientifiques), et il améliora son anglais parlé après avoir émigré aux USA.
Mais en 1934, la réaction négative de la communauté des physiciens nucléaires devant la mise en garde de Noddack n’avait rien d’absurde. Elle était parfaitement rationnelle au contraire. D’une part, toutes les réactions nucléaires jusqu’alors étudiées ne faisaient varier que de quelques unités la masse atomique du noyau cible, qu’il s’agisse du résultat des collisions de protons ou d’alphas, ou des émissions radioactives spontanées alpha, bêta et gamma. D’autre part, la théorie de l’émission d’une particule alpha (noyau d’hélium) par un noyau lourd reposait sur l’effet tunnel, et étendre cette théorie à l’émission d’un noyau beaucoup plus gros, comme semblait l’impliquer la suggestion de Noddack, conduisait à une probabilité extraordinairement faible, incompatible avec les observations. Il était donc logique de ne regarder que les noyaux voisins (dans le tableau périodique) du noyau cible. Ce qu’avait fait Fermi. Si Noddack avait en fait raison, c’est parce que la fission n’est pas due à un effet tunnel, comme nous le verrons plus loin.
Effet de l’erreur d’Aston sur le défaut de masse de l’hélium ?
Mais la situation expérimentale allait se compliquer très vite. D’autres équipes reproduisirent les expériences de bombardement neutronique, en particulier Irène Curie à l’Institut du Radium de Paris, et Lise Meitner et Otto Hahn au Kaiser Wilhelm Institut für Chemie de Berlin. Et la confusion ne cessa de croître au fur et à mesure qu’apparaissaient des dizaines d’éléments radioactifs différents résultant de ces bombardements. Les résultats semblaient difficilement reproductibles, ils différaient d’un laboratoire à l’autre, et il fallut des années pour dénouer cet écheveau. La situation s’éclaircit avec la découverte de la fission, mais Fermi demeura profondément mortifié d’avoir manqué cette découverte. De plus, le groupe de Rome ne joua pas un grand rôle dans la résolution du problème des transuraniens, d’abord parce qu’ils n’avaient pas les compétences pointues en radiochimie que possédaient les autres équipes, ensuite parce que l’équipe avait commencé à se disperser, et surtout parce qu’elle avait fait une autre découverte cruciale, l’effet des neutrons lents.
Pendant l’été 1934, Fermi était parti donner un cycle de conférences en Argentine, au Brésil et en Uruguay, avant de passer par Londres sur le chemin du retour. Amaldi et Segrè avaient passé l’été chez Rutherford, où ils étudiaient quelles réactions nucléaires étaient entraînés par un bombardement de neutrons : parfois un proton était éjecté, parfois une particule alpha, ou un gamma, ou deux neutrons, mais les résultats parurent peu reproductibles. Tous étaient de retour à Rome en septembre 1934, pour la rentrée universitaire. Le petit groupe s’élargit avec l’arrivée de Bruno Pontecorvo qui venait de passer sa thèse.
Jusque là, l’intensité de l’activité induite par bombardement neutronique avait été sommairement classée en « forte », « moyenne » et « faible ». Une échelle quantitative, même arbitraire, semblant préférable, Amaldi et Pontecorvo commencèrent à établir un protocole de mesure :
Le choix de l’argent était pragmatique : la demi-vie de 2.3 minutes de la radioactivité induite était pratique. L’argent naturel est à 52% de l’argent 107 et à 48% de l’argent 109, l’argent 108 a une demi-vie de 2.37 mn et l’argent 110 de 24.6 s. À Berkeley, Livingston, Henderson et Lawrence l’avaient confirmé avec le cyclotron en juin en accélérant des deutons. Mais Amaldi et Pontecorvo se heurtèrent immédiatement à une difficulté inattendue : l’activité de l’argent variait de manière chaotique alors que les conditions d’irradiation demeuraient apparemment identiques. Ils cherchèrent donc la cause de ces perturbations :
L’activité variait avec le lieu où l’irradiation avait eu lieu. Pontecorvo remarqua que l’activité était beaucoup plus intense quand l’expérience se déroulait sur la table de bois soutenant le spectrographe que sur la table de marbre voisine. La source de neutrons et la cible à irradier furent placées le 18 octobre dans un « château » de plomb. L’intensité de l’irradiation diminuait avec la distance, mais moins vite qu’à l’extérieur, et cela fut attribué à une réflexion des neutrons sur la paroi de plomb. Pour vérifier cette hypothèse, Fermi fit usiner un écran de plomb de la même épaisseur que les parois et il s’apprêtait le matin du 22 octobre 1934 à l’insérer quand il décida soudain de placer un écran de paraffine de 4 cm à la place.
Le résultat fut spectaculaire : l’activité augmenta de 50% ! La plupart des membres de l’équipe enseignaient, mais tous se rassemblèrent à l’heure du déjeuner pour admirer l’effet de la paraffine. Ils tentèrent d’autres substances, mais la paraffine était de loin la plus efficace. Pendant la sieste, Fermi réfléchit et il en vint à la conclusion que les neutrons étaient probablement ralentis par des collisions élastiques sur les protons (la paraffine (C25H52 ou plus généralement CnH2n+2) est très riche en hydrogène, donc en protons quasiment de même masse que les neutrons) et que, contrairement à toutes les attentes, les neutrons lents étaient plus efficaces pour induire une transmutation que les neutrons rapides. Jusque là, tout le monde pensait que l’efficacité de la collision des neutrons sur les noyaux serait d’autant plus grande que les neutrons auraient plus d’énergie, car c’était le cas pour les collisions de protons ou de particules alpha. Dans le cas de ces derniers, la raison venait de la nécessité de vaincre la barrière coulombienne des noyaux. Mais les neutrons ne sont pas chargés et ils ne sont donc pas freinés par cette barrière.
Le bassin dans le jardin de l’Institut de Physique de Rome
Avec cette explication en tête, l’équipe répéta les expériences qui avaient donné des résultats tellement contradictoires et comprit ce qui ce passait : par exemple sur l’aluminium, les neutrons lents induisaient une émission de gammas et les neutrons rapides la production de deux neutrons. Ils constatèrent aussi qu’en entourant la cible de paraffine, l’activité augmentait d’un facteur 10 à 100. Dans l’après-midi, l’expérience fut répétée dans le bassin du jardin de l’Institut, pour voir si l’effet de l’eau, riche en hydrogène, était comme prévu aussi grand que celui de la paraffine. Ce fut un succès. Ils constatèrent également que l’effet variait avec la nature de la cible : intense avec le cuivre, l’iode ou l’argent, faible ou nul avec le silicium le zinc ou le phosphore. Le soir même, ce 22 octobre, chez les Amaldi et en présence de Rasetti et Pontecorvo, Fermi dicta à Segrè une brève note « Azione di sostanze idrogenate sulla radioattività provocata da neutroni » pour la Ricerca Scientifica. Ginestra Amaldi (qui travaillait pour cette revue) présenta le manuscrit dès le lendemain matin à son directeur.
Segrè remarqua plus tard qu’ils n’auraient jamais découvert l’importance des neutrons lents à Berkeley, où il n’y avait pas de table de marbre ! L’impact de la découverte fut immédiatement reconnu. Corbino poussa Fermi à breveter la découverte, et Fermi déposa dès le 26 octobre une demande de brevet pour une « Metodo per accrescere il rendimento dei procedimenti per la produzione di radioattività artificiali mediante il bombardamento con neutroni ». Ce brevet 324 458 pour « un nuovissimo metodo atto a produrre radioattività artificiale mediante il bombardamento con neutroni » fut également déposé dans d’autres pays, dont les États-Unis, et d’accords avec Philips (General Electric ne fut pas intéressé malgré des exposés de Fermi à leurs experts). Après la guerre, le brevet fit l’objet d’une longue bataille juridique aux États-Unis, le gouvernement américain refusant — jusqu’en 1953 — de verser des royalties à Fermi et ses collaborateurs de Rome pour l’usage de modérateurs dans les réacteurs nucléaires (il finit par leur verser à chacun une somme de 24 000 $, dérisoire en regard de l’impact de leur découverte). En novembre, l’équipe était convaincue que le ralentissement des neutrons était bien la cause de l’intensification de l’irradiation. Restait à comprendre pourquoi.
Emilio Segrè à Berkeley en 1954 © LBL
Fermi comprit intuitivement que l’efficacité accrue des neutrons lents venait de ce que leur vitesse plus faible les amenaient à passer plus de temps à proximité du noyau, ce qui augmentait leur probabilité d’être capturés. Pour qu’un neutron soit capturé, il faut qu’il rencontre le noyau cible en passant suffisamment près pour interagir avec lui (interaction de courte portée). Quantiquement, un noyau a une longueur d’onde associée, la longueur de de Broglie reliée à son énergie cinétique E par la relation λ = h/√(2mE) , h étant la constante de Planck et m la masse du neutron. Cette longueur d’onde mesure la taille quantique d’un neutron. Numériquement, si E est mesuré en MeV, λ = 28.5 fm /√E. La longueur d’onde de de Broglie d’un neutron de 10 MeV est ainsi de 9 fm (un peu plus grand qu’un noyau moyen) mais elle passe à 28 500 fm pour une énergie de 1 eV.
Amaldi, D’Agostino, Fermi, Pontecorvo, Rasetti et Segrè envoyèrent le 15 février à Rutherford (pour publication dans les Proc. Royal Soc.) un article où ils rassemblaient leurs résultats expérimentaux sur la diffusion et la capture des neutrons lents. Ils y présentaient aussi une interprétation théorique : ils calculaient les sections efficaces de diffusion et de capture dans un modèle très simple où le neutron traversait un potentiel quasi-ponctuel représentant le noyau. Dans ce cas, la probabilité de capture d’un neutron thermique était inversement proportionnelle à la vitesse V du neutron incident (loi en 1/V). Cette probabilité augmentait donc d’un facteur un million quand l’énergie E = ½ mV2 du neutron passait de 106 eV à 10-6 eV.
Bombarder des cibles
⇒ probabilité d’impact P = Ns/S = ns , avec n = densité de cibles
Généralisons: les aimants attirent les fléchettes. Tout se passe comme si la surface s des cibles était plus grande
⇒ P = nσ
où σ est la section efficace section efficace d’absorption (ou de répulsion ou de diffusion)
en 3 dimensions, densité n de cibles (par unité de volume maintenant). On peut distinguer section efficace d’absorption, section efficace de répulsion, section efficace de diffusion, etc.
Section efficace totale : σtot = σabsorption + σdiffusion + σxyz + …
⇒ probabilité d’absorption (de diffusion…) par unité de longueur
P = n σ
Section efficace totale σtot = σabsorption + σdiffusion + σxyz + …
Libre parcours moyen (distance moyenne parcourue avant une absorption, ou une diffusion, ou…)
l = 1/nσ
⇒ le flux Φ de projectiles (fléchettes, neutrons…) est réduit sur une profondeur d (d≪l) d’un facteur ΔΦ/Φ = d/l
⇒ Φ(x) = Φ(0) exp{- x/l }
Ordres de grandeur
⇒ l ~ 10-2 m = 1 cm
Section efficace (en barns) de capture des neutrons par l’hydrogène, en fonction de leur énergie. L’échelle logarithmique montre que cette section efficace varie comme 1/√E (donc comme 1/V) pour un immense intervalle d’énergie allant de 10–5 à 105 eV. Les neutrons « lents » ou « thermiques » ont des vitesses ~2 km/s, les neutrons « rapides » des vitesses ~30 000 km/s.
Hans Bethe(1906-2005), émigré en Grande-Bretagne dès 1933 puis aux États-Unis en 1935, publia une étude théorique plus complète le 26 mars 1935 dans Phys. Rev. « Theory of Disintegration of Nuclei by Neutrons ». Il obtenait également une dépendance en 1/V et il donnait une explication plausible de la différence entre noyaux, sans cependant pouvoir la calculer. Bethe montrait qu’un tel modèle impliquait que la section efficace de diffusion était automatiquement du même ordre de grandeur que la section efficace de capture, ce qui se révéla rapidement inexact, conduisant au modèle de noyau composé (Breit et Wigner, Bethe et Placzek, puis Bohr et Kalckar).
Sur le moment, l’observation de l’efficacité accrue des neutrons lents pouvait paraître anecdotique, mais elle eut trois conséquences majeures. D’abord, elle permit de mieux comprendre l’interaction entre un neutron et un noyau, et par là même de mieux comprendre la structure du noyau. Ensuite, elle permit de découvrit que selon l’énergie des neutrons, ce n’était pas toujours les mêmes noyaux qui étaient produits par l’irradiation. Il ne restait plus qu’à refaire tout le balayage du tableau périodique, en variant maintenant l’énergie des neutrons. Enfin, et surtout, les neutrons lents sont la clé du fonctionnement d’un réacteur nucléaire (il n’existe aujourd’hui que des prototypes de réacteurs à neutrons rapides).
Fermi perçut immédiatement l’importance du phénomène :
Le ralentissement des neutrons est essentiel au fonctionnement des réacteurs nucléaires ☞ longue bataille juridique avec l’Atomic Energy Commission jusqu’en 1953
Les ragazzi de la via Panisperna commencèrent à se disperser. La dégradation de la situation économique et politique en Italie (guerre en Éthiopie en 1935, rapprochement avec l’Allemagne nazie en 1936, lois anti-juives en 1938) avait conduit dès 1935 Rasetti à rester à New York, à l’université Columbia, puis après un bref retour en Italie à s’installer au Canada à l’été 1939. D’Agostino rejoignit l’Institut National [Italien] de Chimie. Pontecorvo, lui, était parti à l’Institut du Radium de Paris en 1936, Segrè avait obtenu la même année un poste de professeur à Palerme, avant d’être démis de son poste en 1938 par les lois raciales (il était d’origine juive) et de devoir s’exiler à son tour à Berkeley aux États-Unis. Ettore Majorana disparut en mer en 1938 (mais il n’avait qu’épisodiquement collaboré avec Fermi et son groupe). De juillet à octobre 1939, Edoardo Amaldi partit lui aussi chercher un poste aux États-Unis (il était très lié avec Merle Tuve à Washington, à Isidor Rabi à Columbia et à Edward Condon alors directeur scientifique de Westinghouse), mais sa famille était restée en Italie et il dut y retourner quand la guerre éclata (il lui revint de ce fait la lourde responsabilité de maintenir le niveau de la physique théorique en Italie pendant la guerre et dans l’après guerre).
Edoardo Amaldi (1908-1989)
Il ne restait guère à Rome qu’Amaldi et Fermi pour étudier l’absorption de neutrons par différentes substances en fonction de leur énergie. T. Bjerge et H.C. Wescott au Cavendish, ainsi que Philip Burton Moon et J.R. Tillant à l’Imperial College de Londres (le laboratoire de G.P. Thomson) avaient remarqué en 1935 le phénomène d’absorption sélective : l’absorption des neutrons lents par certains noyaux semblait dépendre de l’élément utilisé pour la détection (pour connaître le flux des neutrons lents, nécessaire au calcul de la section efficace du corps étudié, on place un autre corps dont la radioactivité par activation neutronique est déjà connue ?). Amaldi et Fermi confirmèrent cet effet au cours de l’hiver 1935-1936, en effectuant une étude systématique de l’absorption et de la diffusion de neutrons d’énergie variable par différents éléments. Ils notèrent que l’absorption d’un élément était maximale quand le même élément était utilisé comme détecteur. Ils furent particulièrement intrigués par le manque apparent de corrélations entre la probabilité que le neutron soit diffusé et celle qu’il soit absorbé, contrairement à la prédiction du modèle de Bethe. Amaldi&Fermi PhysRev1936 Ils identifièrent ce qu’ils appelèrent des « bandes » de neutrons, baptisées A, B, C, etc. Les neutrons appartenant à une bande donnée étaient fortement absorbés par certains noyaux, et très peu par d’autres. Il paraissait évident que les différentes bandes correspondaient à des énergies différentes des neutrons, mais Fermi était très prudent et il préféra parler de « bande » plutôt que d’énergie tant qu’il ne fut pas certain de son fait.
At intermediate energies the cross-sections show sharp maxima at neutron energies at which the reacting particles have the same energy (including binding energy) as one of resonance levels in the compound nucleus. Light nuclei have larger spacings between these resonances than heavier It is thus more probable to find resonances at low energies in heavy nuclei and such resonances can be seen for U and Pu.
C’est à cette époque que Fermi commença à associer observations empiriques, réflexions théoriques et calculs semi-analytiques pour interpréter le comportement des neutrons lents dans la matière. Segrè raconta que Fermi utilisait de manière systématique des techniques de calcul numérique basées sur un échantillonnage statistique, très proches des méthodes de Monte-Carlo développées 10 ans plus tard à Los Alamos par Ulam, von Neumann et Metropolis. Ces techniques lui furent également très utiles pour calculer la diffusion des neutrons dans le milieu hétérogène des premiers réacteurs nucléaires. Segrè raconta également plus tard qu’ils spéculèrent à plusieurs reprises sur la possibilité de réactions dans lesquelles l’uranium pourrait libérer deux neutrons après en avoir absorbé un, mais sans jamais imaginer la possibilité d’une fission.
Fin 1936, l’Institut de Physique quitta la via Panisperna pour le nouveau campus de l’université. Fermi s’était rendu compte que les sources de neutrons radon-béryllium devenaient insuffisantes, et que pour augmenter le flux, aussi bien que l’énergie, il faudrait avoir recours à des accélérateurs comme ceux qui se construisaient ailleurs en Europe et aux États-Unis. Pour se faire la main, un petit Cockroft-Walton de 200 keV fut construit à l’Institut par Amaldi, Fermi et Rasetti, puis un plus puissant fut entrepris en juin 1937 (mais à l’Istituto de Public Sanità faute de moyens à l’Isituto di Fisica). Celui-ci ne fut terminé qu’en 1939 et Amaldi et Rasetti l’utilisèrent quelque temps. Lors de son voyage de juillet à octobre aux États-Unis, Amaldi visita en septembre Lawrence qui lui donna les plans d’un « cyclotron économique ». Une Exposition universelle était prévue à Rome en 1942, et Amaldi espérait obtenir le financement nécessaire dans le cadre des dépenses de prestige prévues à cette occasion. Mais la guerre allait stopper tout cela. Amaldi continua à travailler sur la physique des neutrons jusqu’à la fin de 1942, puis il s’efforça de rassembler à Rome les jeunes physiciens et de les orienter vers l’étude des rayons cosmiques. Bernardini et Occhialini à Florence avaient déjà une importante activité dans ce domaine avant la guerre. Marcello Conversi (1917-1988) et Oreste Piccioni (1915-2002), rejoints en 1945 par Ettore Pancini, démontrèrent par une série d’observations de 1942 à 1946 que les mésons du rayonnement cosmique (les muons) ne pouvaient pas être les mésons prévus par Yukawa (les pions), mais des particules différentes.
Oreste Piccioni en 1956 à Berkeley © LBL
La situation de Fermi devint de plus en plus délicate après la mort en 1937 de son protecteur Corbino et son remplacement par Lo Soro. Guglielmo Marconi, président du Consiglio Nazionale delle Ricerche, avait toujours fortement soutenu les travaux de Fermi de tout son immense prestige et de son poids au Grand Conseil Fasciste, mais il mourut également cette même année 1937. En mai 1938, le projet d’un Institut de physique nucléaire fut rejeté, officiellement par manque de fonds. La proclamation du Manifesto della Raza en juillet 1938, fut suivie en septembre par les premières lois antisémites excluant les Juifs de nombreuses professions, ce qui touchait nombre de collaborateurs de Fermi comme Segrè et Pontecorvo.
L’épouse de Fermi, Laura Capon, était d’origine juive, et Enrico décida d’émigrer à son tour. Niels Bohr lui assura qu’il serait le bienvenu dans nombre de laboratoires, dont l’université Columbia à New York, et l’avait prévenu qu’il était très probable qu’il reçoive le prix Nobel cette année-là. Fermi put alors préparer son exil et prétexter de la cérémonie de remise des prix Nobel en décembre 1938 pour quitter l’Italie pour Stockholm avec toute sa famille. Puis il rejoignit directement les États-Unis où il arriva le 2 janvier 1939, accueilli par Pegram, le directeur du département de physique de Columbia. Il s’installa à New York, à l’université Columbia où John Dunning (1907-1975) était le grand expert américain des neutrons. Cependant, Fermi ne démissionna pas officiellement de ses fonctions à Rome, pour protéger ses collaborateurs restés sur place.
La famille Fermi (Laura, Giulio, Nella et Enrico) débarquant à New York le 2 janvier 1939